J’ai expérimenté très tôt qu’on pouvait guérir les êtres humains par les mots…
J’avais expérimenté très tôt le plaisir de consoler.
Je me rappelle combien j’avais été touchée par la tristesse et la solitude d’une vieille dame du village où j’ai grandi. Elle s’appelait Mathilde. Je passais régulièrement devant sa fenêtre et je la voyais les yeux dans le vide, de beaux yeux bleus entourés de cheveux très blancs. J’ai décidé qu’il fallait la sortir de là. J’avais une dizaine d’années. Un jour de début de printemps, je me suis arrêtée devant sa fenêtre et j’ai discuté avec elle. Je lui ai demandé pourquoi elle était si triste. “Je suis vieille, plus rien ne me fait envie, et j’ai beaucoup de mal à lire.” Je la savais passionnée par les romans photos publiés dans Nous Deux. “ Oui, c’est vrai, mais, je n’arrive plus à les lire maintenant”. Qu’à cela ne tienne ! “Et bien moi, je vais vous raconter les romans photos” lui ai-je alors proposé. Je décrivais l’image, je lisais la légende et parfois même, je commentais et Mathilde donnait son interprétation ou même parfois, elle donnait une autre version que celle que l’auteur proposait. Tous les jours où presque, je passais lire des romans photos à Mathilde qui m’attendait comme le messie. J’ai ainsi expérimenté, très tôt, que l’on pouvait, par des mots et par des histoires, réanimer un être humain.