LES ADOLESCENTS DANS LA GUERRE D’UKRAINE

Comme dans toutes les guerres, les adolescents paient un lourd tribut.

Ils en subissent les conséquences pour aujourd’hui et pour demain. Ils sont touchés directement et, par ailleurs, subissent le fait que leurs parents, leurs enseignants, tous les adultes qui comptent pour eux, la société tout entière, est affectée et ne peut s’occuper d’eux. Ils sont même parfois les victimes ciblées des guerres contemporaines qui cherchent à toucher les plus jeunes dans leurs êtres mêmes quand par exemple, quand ils sortent de leurs abris car ils sont impatients ou pire encore quand ils sont violés par des soldats galvanisés, comme l’indiquent plusieurs témoignages en Ukraine et, comme cela a été démontré en ex-Yougoslavie ou en RDC par les travaux entre-autres de Véronique Nahoum-Grappe. Les femmes et les jeunes sont visés par ces exactions qui ont un effet réel montrueux mais aussi symbolique, anéantir le corps des femmes et toucher la descendance salie par ces actes de guerre totale. Or parce qu’ils sont adolescents, qu’ils croient à la vie et aux valeurs, ils prennent des risques et veulent résister à tout prix, sans aucune compromission possible, sans nuance, sans mesure. Ils s’engagent souvent dans la guerre et sont capables d’actes de bravoure que parfois les adultes ne veulent pas faire car ils en mesurent trop les risques de capture ou de mort. Eux, mus par des idéaux à la hauteur de leurs incandescence jeunesse, agissent sans vouloir prendre la mesure du danger ou sans vouloir prendre en compte ces conséquences qui affadiraient leurs rêves et leurs idéaux. Au fond ce qu’apprennent de cette guerre ces jeunes Ukrainiens, c’est que les adultes et le monde qu’ils revendiquent ne peuvent les protéger de la destruction, de l’anéantissement, de la pulsion de mort et qu’ils doivent agir et réagir par eux-mêmes, sans attendre la protection de la génération d’avant et leur supposé expérience et sagesse. Ces jeunes n’aiment pas la prudence et encore moins en temps de guerre. Les historiens ont peu étudié les enfants et les adolescents dans ces guerres mais heureusement, dans la nouvelle génération on en trouve comme la passionnante Manon Pignot qui nous a beaucoup appris sur les jeunes dans la seconde guerre mondiale ou encore dans la guerre d’Espagne. Il existe aussi des jeunes vulnérabilisés par la guerre et qui doivent être soignés mais ils passent souvent inaperçus des professionnels et des ONG car ils mettent en avant leur détermination et cachent leurs fragilités. Demander de l’aide, aller consulter, est pour eux une faiblesse qu’ils cherchent à éviter à tout prix parfois derrière des actes héroïques aussi bien chez les filles que les garçons. Il en va de même lorsqu’ils se retrouvent, parfois à leur corps défendant, réfugiés dans nos pays tempérés, loin des terrains de combat et de résistance, situations qu’ils n’aiment pas. Parfois, ils se culpabilisent d’avoir quitté le lieu « où ça se passe » et montrent un visage ingrat à ceux qui les accueillent, contestant leur pitié ou leur manque de soutien dans la guerre. Les adolescents n’aiment pas les retraites ni les compromis. Sublimes adolescents, futur du monde, encore plus en temps de guerres.

@ Marie Rose Moro, Paris, 14 avril 2022.

Pour approfondir, cf. revue L’autre dont le numéro 62 est consacré aux enfants et la guerre